Edito____________________________________________

Gestion des déchets ménagers : quand la crise sanitaire rappelle l’urgence d’un changement de logiciel…

Dans de nombreux domaines, la crise sanitaire a brutalement mis en lumière les manquements, mauvais choix et autres insuffisances dans l’organisation de nos sociétés. Elle a aussi révélé le caractère essentiel de certains services publics parmi lesquelles la gestion des déchets ménagers. C’est ainsi que l’on a vu, pendant le premier confinement, ces travailleurs de l’ombre nous débarrassant de nos déchets au petit matin être applaudis et remerciés avec autant de ferveur que les soignants des hôpitaux.

En mettant le système de gestion des déchets en tension, la crise a également été le révélateur de son bon fonctionnement et de sa résilience. Cependant, ce n’est pas parce que le système est en ordre de marche et a fait la preuve de sa robustesse qu’il ne faut pas le remettre en question, en particulier en ce qui concerne son financement et la responsabilité d’un fonctionnement incombant aux seules collectivités territoriales. Car, et ce pas le moindre des paradoxes, si la consommation satisfait la demande d’un consommateur et bénéficie à l’industriel producteur du bien de consommation, la gestion de ses conséquences, à savoir ses déchets, est à la charge de la collectivité. Une équation bizarre, à laquelle pourtant tout le monde semble s’être habitué, à l’exception des élus territoriaux qui réclament, à tout le moins, un partage plus équitable du financement et des responsabilités.

L’autre conséquence de cette crise dont les effets sur le cours des matières premières se sont cumulés à ceux de l’arrêt de l’importation de déchets par de nombreux pays dont la Chine, est la réduction drastique de débouchés pour les matières premières secondaires. Une réduction dont les conséquences sont rapidement devenues particulièrement préoccupantes pour la filière de recyclage des déchets plastiques. Des déchets dont on ne sait plus quoi faire tant la croissance de leur volume est exponentielle et la diversité de leurs formules rendent leur recyclage de plus en plus problématique. En effet, même imposé par la loi, le principe de réutilisation de plastiques de récupération pour fabriquer de nouveaux produits ne résistera en effet pas à l’évidence qu’il est plus économique et infiniment plus simple de faire du neuf que de recycler du vieux !

Mais les plastiques ne seront bientôt plus les seuls à poser la question de leurs débouchés. En effet, la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte prévoit de généraliser le tri à la source des biodéchets d’ici 2025 afin que ceux-ci puissent être valorisés. Ce que ne dit pas la loi, c’est comment stocker puis collecter ces biodéchets dans des conditions sanitaires satisfaisantes et surtout, qu’en faire et avec quelles installations industrielles en sachant que ces dernières devront, empreinte carbone du transport oblige, se situer au plus près des lieux de consommation, c’est-à-dire des logements.

A elles seules, ces deux questions qui seront au centre de nos débats, montrent la complexité de la question de la gestion des déchets ménagers qui en appelle une autre, celle de la capacité de notre civilisation à changer de logiciel pour sortir de l’impasse sans porter atteinte aux équilibres économiques sur lesquels reposent désormais non seulement nos niveaux de vie mais encore toute l’organisation de nos sociétés démocratiques… Un chemin de crête entre deux abîmes.

Jacques MARCEAU

Président d’Aromates Rencontres et Débats

Organisateur de la Conférence Nationale sur les Déchets Ménagers