Bien au-delà de sa dimension écologique, la valorisation des déchets est devenue un véritable enjeu de souveraineté énergétique et industrielle

 

La crise Covid 19, la guerre en Ukraine et désormais l’hostilité ouverte et décomplexée de l’allié américain vis-à-vis de l’Europe ont non seulement brutalement révélé nos dépendances énergétiques, industrielles et technologiques mais encore questionné notre politique d’approvisionnements stratégiques.

C’est ainsi que l’envolée des prix du gaz qui a accompagné l’invasion russe en Ukraine a rendu beaucoup plus attractif le biométhane produit en France dont le prix, jusqu’alors, ne justifiait pas d’un seul point de vue économique, son usage.

Ce qui est vrai pour le gaz l’est tout aussi pour les matières premières importées, en particulier les métaux dits stratégiques comme le cuivre, indispensable à l’électrification de la mobilité et donc à la transition écologique. N’étant plus extrait en France depuis 1998, ce dernier nous est fourni par la Chine, les États-Unis et la Russie… Cherchez l’erreur !

C’est dans ce contexte qu’en quelques mois, le tournant vers une économie circulaire est passée du statut de volonté politique motivée par la prise de conscience de l’urgence climatique et traduite par un tsunami normatif, à celui d’une impérieuse et tout aussi urgente nécessité économique. Ce qui change tout !

Ainsi, la nécessité oblige dorénavant à regarder le déchet comme une ressource, ce que prêchaient dans le désert (ou presque) quelques visionnaires pas toujours pris au sérieux par les milieux économiques.

Elle conduit également les collectivités territoriales en charge de la gestion des déchets ménagers à se doter d’un puissant et coûteux outil industriel capable de répondre à des exigences croissantes, tant en ce qui concerne les volumes traités que pour satisfaire à des normes en constante évolution. Un outil, de surcroît, soumis à une fiscalité pénalisante car considéré comme « activité polluante ».

Cette même nécessité conduira également notre pays à réformer en profondeur l’amont du traitement, c’est-à-dire le système de filières de Responsabilité Élargie du Producteur (REP). Les performances de ces dernières, comme l’a souligné un récent rapport de l’Inspection Générale des Finances (IGF), ne sont en effet et de toute évidence pas à la hauteur des enjeux : 40% du gisement de produits soumis au REP n’est toujours pas capté et à peine 50% des déchets collectés sont effectivement recyclés !

Cependant, cette nouvelle attention portée à la gestion des déchets ne doit pas faire oublier que le premier levier, et de loin le plus efficace en faveur de la souveraineté énergétique et industrielle de la France, est la réduction de sa consommation d’énergies et de matières vierges, le recyclage n’intervenant qu’en « bout de chaîne ».

La nécessité étant un moteur de l’action infiniment plus puissant que l’intention, il est donc probable que la circularité, qu’il s’agisse d’énergie ou de produits de consommation, devienne plus rapidement que l’on aurait pu le croire le garant du maintien de nos niveaux de vie et la source d’une nouvelle forme de développement économique.

 

Jacques MARCEAU

Président d’Aromates Rencontres et Débats

Organisateur de la Conférence Nationale sur les Déchets Ménagers